Edito N°1 septembre-décembre 2020


On pourra mettre autant d’écrans qu’on voudra entre les hommes, on aura beau liker, nous en reviendrons toujours à notre besoin de sentir l’autre, là, tout proche. Sa présence brute, aussi vitale que l’air que nous respirons. Sur scène, nous entendons sa respiration, nous nous approchons d’elle, de lui, de nous-mêmes, des sources de l’humain, d’une énigme.

Les moments de crise, qu’ils soient personnels ou collectifs, qu’ils soient les jalons d’une vie individuelle ou des points de repère qui marquent l’Histoire, ont ceci d’étrange : ils charrient le drame, ils nous rappellent que nos constructions, quelles qu’elles soient, et parce qu’elles sont humaines, demeurent fragiles.Mais parfois, au milieu du chaos, quelque chose apparaît. Nous découvrons en nous, au dehors, un lieu de résistance à la tourmente. Une lumière. Une confiance. Parfois il faut du temps. Parfois on le distingue à peine. Mais on sent sa présence.

Au Nouveau Gare au Théâtre, nous avons vécu le confinement dans la stupeur et le silence. Aucune envie de faire du théâtre sur internet, de masquer le manque, de passer sur la disparition conjointe des artistes et du public les vocabulaires de la communication destinés à maquiller l’absence. Nous sommes revenu·e·s au présent des plateaux vides et du silence. Nous avons accepté d’être éloigné·e·s les uns des autres. Et là, plutôt que de percevoir une déchéance, nous avons perçu une promesse. En regardant les espaces vides du théâtre, nous avons eu la sensation que quelque chose veillait sur nous. Chargé de la mémoire vive de ces derniers mois, des traces des présences des artistes et des publics dessinaient ce que nous pressentions à peine : nos retrouvailles. Les espaces vides du théâtre savaient cela. Dans l’isolement, nous l’avions peut-être oublié. Nous avons compris l’absence autrement. Dès lors, toute l’équipe du lieu a convergé vers ces retrouvailles. Cette crise nous a convaincu que nos choix devaient être encore plus nets, encore plus affirmés.

Une des leçons de ce temps étrange, c’est de nous avoir rappelé à quoi nous servons : un lieu pour l’humain. Pour l’émergence. Pour les habitants de Vitry et d’ailleurs. Un lieu pour l’écriture. Une fabrique d’arts.

Notre place est ici. Dans cette ville. Près de vous. Nous souhaitons que ces murs protègent un espace-temps. La vie a besoin de place. De ce luxe du temps et de l’espace. C’est là. Le théâtre est une parfaite métaphore de la vie. Éphémère et nécessairement sociale. Durant ces quelques mois, nous avons appris de façon cinglante que nous avons un besoin viscéral les uns des autres, tout comme nous avons besoin de savoir être seul·e·s.

La première moitié de cette saison septembre-décembre est la traduction en actes de nos convictions et de notre joie.Et nous, heureux de vous accueillir dans cet artisanat du présent, heureux de vous savoir là.

Nous avons pensé ces quelques mois comme on ouvre les fenêtres d’une maison restée close un long moment. Des appels d’air.
Les vents se lèvent. Allons écrire ensemble la suite.

 

Diane Landrot et Yan Allegret