Dasha Plesen

Édito


L’art ou l’esprit du débutant. C’est à dire avant tout l’écoute ouverte de celui ou celle qui ne sait pas. Qui choisit de préserver cette ignorance ouverte, et de persévérer afin de mieux accueillir et rencontrer ce qui vient. 
Dans le même temps, quelque chose, silencieusement, s’approfondit. 


Cela fait 5 ans que le Nouveau Gare au Théâtre est là. 5 ans. C’est beaucoup et peu à la fois. Bientôt 30 ans d’existence sur le territoire, apprendre sans cesse, ne jamais perdre de vue cette ligne directrice. Et puis l’utopie concrète. Celle de codiriger un lieu à deux et de le partager avec le plus grand nombre.

 

Le modèle de la codirection que nous avons mis en place nous a permis d’affûter notre écoute et, nous l’espérons, d’être à même de proposer d’autres manières de travailler. Une sorte d’écologie du travail, directement issue d’une prédominance de l’humain, de l’égalité. Nous l’affirmons ici. Ce lieu est le lieu de toutes et de tous. Il est un outil du commun, dans lequel aucune singularité n’est tue, et qui travaille inlassablement à poser les conditions de nouvelles manières d’être ensemble.

Nous avons, toutes et tous, un immense travail à accomplir pour nous émanciper des rapports de domination, qu’ils soient visibles ou insidieux.

 

Après 20 ans, 30 ans de pratique, nous ne savons toujours pas ce qu’est le théâtre. Et c’est pour mieux embrasser cette énigme que nous œuvrons, avec patience, réactivité et détermination. Tant de fois nous croyions savoir. Et au détour d’une représentation, d’une lecture, d’un atelier, quelque chose se révèle à nous, et élargit les contours. Un soulagement advient alors. Une liberté.  

 

« L’art du débutant » : Valérie Dréville, notre marraine, a choisi ce titre pour son second livre, paru au printemps dernier. Elle y raconte son travail d’actrice, les maîtres qui l’ont accompagné. Il est marquant qu’une artiste comme elle choisisse ce titre.

 

Pourtant, à bien y réfléchir, c’est tellement évident. Quiconque vient se nourrir à l’averse de présent qu’est le théâtre ne peut que souscrire à cette direction, ce cap. L’art du débutant.  Quelque chose qui a à voir avec le courant qui nous meut, qui nous dit d’aller voir. Cette petite voix qui répète « C’est plus grand que ce que tu crois. »  C’est sous cette notion que nous abordons notre cinquième année à la direction du Nouveau Gare au Théâtre, et cette rentrée 2024.

 

L’art ou l’esprit du débutant, finalement, c’est l’inverse de la naïveté. C’est choisir de polir son écoute du monde et de laisser le poème muer, jaillir à un endroit inattendu.

Oui, tant a été fait. Et oui, tout reste à faire.

 

4 créations verront le jour entre nos murs en ce début de saison. 4 créations dont les langages, les expériences, les formes, les matériaux n’ont de commun que cette volonté de chercher, d’apprendre. Théâtre documentaire, adaptation de classique, théâtre en espace public, théâtre plastique, autant de formes à travers lesquelles les créateurs et créatrices souhaitent partager leur perception du monde.

 

La pratique amateure irriguera les espaces aux côtés de la pratique professionnelle. Les autrices et auteurs viendront écrire, de nouvelles aventures artistiques verront le jour, des rencontres se feront, se déferont. Et nous serons là, avec vous, pour continuer à partager cette utopie concrète.

 

Pour donner le cap des mois à venir, c’est Valérie Dréville qui ouvrira cette saison, dans le cadre des soirées I WANT YOUR TEXT, avec une rencontre autour son livre.

 

On vous attend les bras ouverts pour débuter avec nous, chaque jour.

 

 

Diane Landrot & Yan Allegret